Antoine-et-caetera
Carnets d'écriture
Le moment de partir
Il avait pensé à tout.
Pour la ripaille. Les rillettes du Mans. Le saucisson de Corse. L’opinel de Savoie. Les pommes de Terre. Les piments d’Espelette. Le sel de Guérande. Quelques macarons de Saint-Jean. Et le tire-bouchon.
Pour le café. Les mots croisés. Le crayon à papier. Le papier à cigarettes. Les allumettes. Le tabac à rouler. Le moulin à café. Le café en grains. Et la cafetière à piston.
Le camping-car était fin prêt.
Il avait fait de l’essence, le niveau d’huile, la pression des pneus. L’atlas routier dans la boite à gants. Une bouteille d’eau à portée de main. Les papiers du véhicule et le permis du bonhomme. Il avait même pris la caisse à outils et un livre en cas d’ennui.
Pour la sieste. Son transistor et son hamac. Trente ans plus tôt, il avait planté là-bas deux arbres adéquats, bien orientés, près du petit Rhône qui coulait le long de l’emplacement.
Demain, il descendrait la Nationale 7 jusqu’à Avignon. La même route depuis trois décennies. Il garerait le camping-car et déplierait le store sous lequel il installerait le fauteuil pliant et la table pliante. Le barbecue. Le charbon. Et le bouffadou.
Il avait écouté Bison futé. Journée rouge qu’il disait. Alors il avait réglé son réveille-matin à 4h pour un départ à la fraiche comme il aimait bien.
Le bermuda et la chemisette étaient prêts sur la chaise. Posé dessus, le portefeuille et le trousseau de clefs. Sur la table de la cuisine, le thermos attendait d’être rempli. Dans la cafetière électrique, un filtre en papier crépon, cinq cuillères à café de café et six volumes d’eau du robinet.
Fernand s’était endormi sur le dos, l’oreiller bien calé sous la tête. Il rêvait que demain, il descendrait la Nationale 7. Chateauneuf-du-Pape et Beaumes-de-Venise. Le soleil brûlant et le mistral soufflant. Son Sud à lui.
Le réveil sonna bien à l’heure dite mais Fernand ne se leva pas. La cafetière électrique ne s’alluma pas. Il n’y eut pas ce glouglou d’eau bouillante qui précède l’odeur du café. Cette fois-ci, Fernand était parti sans se lever.
7 décembre 2015