Antoine-et-caetera
Carnets d'écriture
Souvenirs rêvés
Saint Mandé, rue Jeanne d’Arc, numéro 37. Le courrier avait été déposé dans la boite aux lettres. L’enveloppe était élégante et les coordonnées manuscrites à l’encre noire d’un stylo à plume. Arthur l’avait récupérée à son retour de promenade. Depuis son dernier roman, il errait dans un immense nuage gris, assailli d’angoisses et pétrifié par les doutes, l’âme d’un puzzle en boîte. Pour ne pas sombrer trop profondément, il s’imposait de longues marches au bois de Vincennes. Seuls les arbres lui apportaient un peu de réconfort, tout le reste lui semblait vain. Il n’y croyait plus.
Installé à la table de sa cuisine réchauffée par un soleil automnal, il ouvrit l’enveloppe et déplia la lettre. C’était celle d’un notaire qui l’informait du décès de son oncle maternel et de sa qualité d’unique héritier. La nouvelle était abrupte et surtout totalement inattendue. Les derniers souvenirs qu’il avait remontaient à son enfance puis il y avait eu une brouille familiale et le contact avait été rompu, le sujet jamais plus abordé. Après la mort de sa mère, Arthur avait pensé plusieurs fois retisser des liens avec cet oncle perdu de vue mais il ne l’avait pas fait. C’était désormais impossible, indépassable.
Ce brusque surgissement du passé provoqua en lui une marée d’émotions contrariées. Ce décès faisait écho à l’absence de sa mère, un chagrin qui affleurait à chaque bourrasque un peu sérieuse. La tristesse l’envahit et le submergea très rapidement. Il pleura sans retenue, un long moment ponctué de sanglots puis la tempête finit par s’étioler, les vagues de souvenirs perdirent de leur intensité et un calme relatif se fit, semblable à une petite houle. Arthur se sentit alors essoré d’un poids, fébrile mais allégé, pareil à l’état de fraicheur qu’on ressent après la guérison d’une maladie, cette nouvelle énergie qui incite à retrouver le mouvement.
La lettre s’apparentait à un signe du destin, au début d’un chemin. Arthur en était persuadé, il devait se rendre à Lyon et rencontrer ce notaire sans tarder. Si son oncle l’avait nommément désigné comme unique héritier après tant d’années de silence c‘était délibéré. Là-bas il trouverait peut-être des réponses, les éléments d’une future construction. Il rassembla donc quelques affaires dans un sac de voyage, arrosa ses plantes, ferma sa maison et se rendit directement gare de Lyon où il acheta un aller simple pour le prochain train, côté fenêtre.
A son arrivée, l’étrange horloge de la gare Part-Dieu indiquait 18h11. Vingt minutes plus tard, il était attendu aux Brotteaux à l’office notarial qu’il avait appelé le matin même. Son oncle devait jouir d’une considération particulière car il avait obtenu ce rendez-vous avec une étonnante facilité. Sur place, il fut chaleureusement reçu par un notaire volubile qui incarnait parfaitement sa fonction dans un bureau encombré d’innombrables dossiers entassés. Près d’une heure fut nécessaire pour présenter les grandes lignes de la succession qui s’avérait conséquente et minutieusement préparée. Une deuxième rencontre fut programmée le lendemain afin d’en étudier les détails. Cette nuit, Arthur pourrait loger dans la résidence de son oncle.
***
La nuit était tombée sans bruit sur la presqu’île. Joliment éclairée, la façade en pierre de taille était impeccable. Elle s’élevait sur trois niveaux et regardait Fourvière. Devant coulait la Saône, sauvage entres ses quais. Utilisant la plus grosse des clefs pour ouvrir le guichet de la porte cochère, Arthur pénétra dans l’immeuble. Sur la gauche une porte vitrée correspondait, d’après le petit écriteau fixé dessus, à la loge du gardien, apparemment inoccupée depuis longtemps. Tout le reste du rez-de-chaussée avait été aménagé en un grand espace ouvert. Le sol était entièrement pavé et le plafond soutenu par un magnifique ensemble de colonnes et poutres en métal. Trois voitures, deux avirons et un canoë reposaient ici en silence, recouverts d’épais draps en lin blanc. On distinguait au fond un imposant établi et une série d’étagères industrielles où étaient entreposés une panoplie d’outils en tous genres et divers matériaux. Tout était parfaitement ordonné, soigneusement conservé.
Poussé par le froid du rez-de-chaussée, Arthur s’engagea dans le monumental escalier qui menait aux appartements. Au premier étage, un grand vestibule donnait accès à un long couloir sur la gauche et à une cuisine sur la droite, en face se trouvait un immense salon très haut de plafond dans lequel il entra. Trois lampes à pied habillées d’abat-jours étaient commandées par l’interrupteur qu’il actionna. Leur lumière réchauffa immédiatement la pièce qui abritait un ensemble d’élégants meubles scandinaves des années 60 ainsi que de remarquables tableaux qu’il reconnut comme des œuvres d’Edward Munch et de Marc Chagall. De fabuleux tapis recouvraient le parquet Point de Hongrie. Sensible à cette beauté et agréablement surpris par ce riche intérieur, Arthur prit son temps pour déambuler comme il l’aurait fait dans un musée.
Cette découverte provoquait chez lui une résonance subtile, un doux émerveillement. Les associations d’œuvres étaient audacieuses et provoquaient le questionnement sans pour autant assaillir. Ce salon était une invitation au calme et à la réflexion. Ayant fait le tour de l’endroit, Arthur choisit le fauteuil qui lui paraissait le plus moelleux, s’y installa confortablement et baissa les paupières. Il voulait poser son esprit, s’accorder au lieu. De longues minutes s’écoulèrent ainsi puis la pendule borne d’époque Napoléon III posée sur le manteau de la cheminée sonna vingt-trois heures. Dehors, une voiture passa sur la chaussée mouillée. A cet instant, Arthur rouvrit les yeux et observa les gouttes de pluie qui glissaient sur le vitrage strié des vieilles fenêtres. Les illuminations de la ville se mêlaient aux reflets intérieurs. Tout était calme, Paris semblait déjà lointain et Arthur sentait poindre en lui le début d’un regain.
Porté par le sentiment qu’il était en chemin, il se leva et se dirigea vers la porte à sa gauche. Du revers de la main il poussa le panneau de bois peint et pénétra dans une pièce éclairée par le halo jaune des lampadaires du quai Saint Antoine. L’endroit avait dû abriter autrefois une riche bibliothèque car les murs de la pièce étaient entièrement recouverts de rayonnages sans livres. Le vide dominait. Il était ici partout et particulièrement troublant parce qu’il renvoyait distinctement à une absence. C’était un vide autrefois plein et qui prenait tout l’espace soit l’exact sentiment qu’il éprouvait face à la page blanche, celle qui parfois l’invitait à créer et celle qui pouvait aussi le tétaniser. Incommodé par cette évocation trop limpide, Arthur marcha pour rester en mouvement et sans un mot ouvrit la porte suivante.
La vision était troublante, cinq petites pièces se succédaient en enfilade et la taille croissante des quatre passages annulait parfaitement le rétrécissement voulu par les lois de la perspective. Leur conception neutre supposait une fonction d’antichambre que contrariait le choix même d’en aligner cinq et de n’avoir installé aucune porte. Intrigué par cette architecture foncièrement géométrique, il progressa pas à pas, faisant craquer le parquet. Au bout de l’enfilade se tenait une cheminée en marbre de Sienne surmontée d’un miroir dans lequel il se voyait avancer. Arrivé dans la dernière pièce, il fit un tour sur lui-même et découvrit à sa gauche une ouverture de petite taille percée dans le mur en face des immenses fenêtres rectangulaires à carreaux.
***
La porte donnait accès à un long couloir dont la largeur était supérieure à la hauteur ce qui provoquait une forte impression d’écrasement. Des appliques murales, fixées à intervalles réguliers, diffusaient une lumière si faible qu’elle semblait vaciller. Après une dizaine d’enjambées, Arthur ne distinguait toujours pas le fond, et ce couloir, qui ne desservait aucune pièce et n’ouvrait sur aucune fenêtre, prit peu à peu l’allure d’un tunnel soigneusement décoré. Une légère inclinaison l’incitait malgré tout à poursuivre et après un moment qu’il ne saurait estimer, il finit par atteindre le sommet d’un escalier. Sa construction hélicoïdale ne permettait d’en apprécier ni la hauteur ni la destination.
Conforté par les larges marches trapézoïdales, il descendit la vis de l’escalier apparemment sans fin. Le tournis commençait à le gagner et il s’apprêtait à rebrousser chemin quand il atteignit un vestibule noirci par une pénombre qui laissait juste deviner une imposante porte cochère en fer forgé et vitrail. Le portail n’était en aucun point verrouillé et s’ouvrit dans un grincement de charnières mal huilées sur une impénétrable obscurité. D’un geste machinal, il tâtonna le long du mur froid et trouva un interrupteur en porcelaine et laiton. Une simple pression du doigt alluma un vaste hall précieusement décoré. Le sol était en marbre de Yule tout comme le comptoir qui courait tout le long du mur à sa gauche. De l’autre côté, une enseigne en néon rouge surplombait quatre portes carrées percées de hublots ronds et indiquait sobrement : salle de projection.
A l’intérieur, les rangées de fauteuils inoccupés provoquèrent chez Arthur un sentiment de « déjà vu » dont il perdit très vite la trace quand le cinéma se mit à trembler. Un frisson le parcourut et la vibration se transforma peu à peu en un bruit sourd qui semblait provenir de l’arrière du rideau rouge. Intrigué par ce son qui prenait la forme d’une piste à suivre, il avança à pas prudents et monta les quelques marches qui menaient à l’estrade. Le rideau cachait quelque chose qu’il devait voir. Il s’approcha de la tenture suspendue et la toucha, elle était incroyablement pesante et semblait pouvoir tout absorber.
Longeant le rideau jusqu’en son centre, il laissa courir sa main sur le velours rouge incroyablement moelleux puis ce fut comme s’il perdit l’équilibre. Arthur avait disparu entre les deux pans du rideau, comme happé. De l’autre côté, le bruit n’était plus assourdi mais assourdissant : métal crissant et sifflements d’air comprimé. Dans un sursaut, il se releva et surplomba alors une station souterraine à la voute carrelée de blanc. Une énorme locomotive entrait en gare et freinait sur l’unique voie de ce qui s’avérait être le terminus. Le train stoppé, un cheminot portant un képi sauta sur le quai suivi d’une cohorte de voyageurs anonymes portant des valises. Arthur observait la scène, médusé, tandis que le flot de passagers s’écoulait dans un brouhaha contenu vers la sortie opposée. Quelques minutes plus tard, tout était fini et il se retrouvait seul dans une gare fantôme. C’était un calme puissant, de ceux qui suivaient une tempête.
***
Un courant d’air en forme d’appel l’invita à tourner la tête vers un étroit escalier s’élevant de la plateforme. Il s’y engagea et gravit les sept ou huit mètres de marches comme on monte à un temple bouddhiste perché sur son rocher sacré. Consciencieusement et en dedans. Au sommet il arriva dans un endroit incroyable et inattendu aux allures de vélodrome aplati : le sol concave était en parquet ciré, le plafond légèrement convexe était en briques rouges, un mur en plâtre blanc cassé entourait la pièce ovale. Ici l’acoustique était nette et ouatée, à l’inverse de la gare. Imbriqués dans le sol, deux rails parallèles faisaient le tour de l’espace suivant un tracé elliptique.
Dessus, un véhicule ressemblant à une sorte de vélo-rail se tenait inerte. La structure tubulaire soutenait une banquette capitonnée et un plateau de travail en acajou sur lequel était fixée une lampe avocat dont l’abat-jour était en opaline verte. Charmé par ce bureau au style unique, Arthur prit place et posa ses pieds sur les pédales. Une moelleuse résistance invitait au mouvement. Sans effort, il fit ainsi deux ou trois ellipses dans un bruit de métal lisse. Le glissement créait un espace apaisant, un oubli salvateur. Ce n’était pas un espace dans lequel on se perdait et qui provoquait la peur, c’était un vide spacieux et si enveloppant qu’Arthur finit par décélérer naturellement, tour après tour, jusqu’à revenir immobile.
A l’endroit de son arrêt, il découvrit dans un coin de la pièce circulaire une nouvelle porte encastrée dans le mur. On aurait pu penser à un simple placard mais un détail contrariait ce constat, la découpe descendait sur la plinthe et supposait un passage. Une clef était accrochée à un clou sur le mur à côté, il s’en saisit et ouvrit. Apparut une seconde porte, plus grande et beaucoup plus lourde que la première, et une autre clef également accrochée, il s’en saisit et ouvrit. Il se retrouva alors plongé dans la nuit, sur une passerelle métallique qui surplombait les arcboutants d’une église mitoyenne. La vue était stupéfiante, les toits de la ville flottaient dans une mer de lueurs.
Accompagné par une rafale de vent, Arthur traversa la passerelle et ouvrit la porte de l’édifice religieux. Frappé par la quiétude du lieu, il s’avança doucement jusqu’au parapet de la tribune et contempla la nef en contrebas, des centaines de cierges y brûlaient et projetaient une lumière dansante sur la pierre taillée tandis que filtraient par les vitraux les lumières vibrantes de la ville. Le froid transformait chacune de ses expirations en un nuage d’eau condensée qui s’élevait jusqu’à la voute. La sensation était étrange car le froid restait extérieur à lui, et son corps d’habitude si frileux ne tremblait pas. Il avait au contraire le sentiment que ses sens s’éveillaient, que sa perception s’affutait. Sa respiration était calme et profonde et son corps avait retrouvé un mouvement interne, quasiment imperceptible mais terriblement puissant.
Ecoutant son intuition, Arthur continua son chemin sur la tribune et aperçut un peu plus loin une porte en aluminium brossé dans un épais mur de pierre. Un bouton lumineux clignotait dans un joli dégradé de couleurs, il appuya dessus et un mécanisme au bruit feutré s’enclencha. Quelques secondes s’écoulèrent avant qu’apparaisse un ascenseur à quatre boutons : nef, orgue, tribune et clocher. Sans réfléchir, il choisit le dernier et son corps fit ascension. Il fut déposé sur une plateforme exposée aux quatre vents, au dessus de lui trônaient sous la charpente sept énormes cloches en bronze. L’endroit était surréaliste. Entre terre et ciel. Pas à pas, Arthur s’approcha du bord.
***
L’obscurité avait happé le vide. Envolé le vertige. Tout lui apparut soudainement limpide : le chemin parcouru et le moment où il avait basculé. Il se remémorait la nuit où sa perception du monde s’était incroyablement approfondie, lui ouvrant de nouveaux horizons qui l’avaient infiniment inspiré avant de le perdre. Il ferma les yeux pour mieux voir. Cela avait commencé lors d’un voyage sur Arran, cette île perdue dans la brume écossaise, ce monde miniature aux paysages lunaires ciselés par vents et marées. Il était arrivé un matin sur un ferry de fer blanc, son automobile en soute, après avoir conduit toute la nuit à vive allure, hypnotisé par les phares rouges des voitures, envouté par le bruit du caoutchouc des pneumatiques sur le macadam. Au cœur de cette nuit avait commencé l’expérience qui changea le cours de sa vie. Il se rappelait le clignotant de sa voiture, ce bruit binaire et magnétique qui suspendait le temps, égrenant des secondes qui s’étiraient comme des gouttes de savon. Et la route qui défilait tel un ruban noir où glissaient les faisceaux blancs des automobiles. Il avait eu l’impression de remonter une rivière impénétrable.
Arthur s’était retrouvé propulsé dans une autre dimension, au-delà de son propre corps, comme si sa conscience s’était mise à flotter au dessus, détachée de son enveloppe. Il avait accédé à un monde parallèle où il pouvait évoluer librement, mû par sa seule imagination. C’était fluide, presque liquide. Toutes les images se retrouvaient connectées, mélangées, superposées dans un placenta d’émotions ignorant les frontières spatiales et indifférent au temps. La chronologie s’était dissipée et l’universalité exaucée. Il pouvait ici naviguer dans sa vie comme dans une bibliothèque où ses souvenirs et ses rêves, les visages et les paysages, le passé et l’avenir fusionnaient dans un mouvement perpétuel. Architecte conscient de son imaginaire et narrateur de ses rêves, il avait exploré des contrées infinies qui avaient nourri son récit, le livre qu’il avait écrit.
Mais cet horizon était peu à peu devenu sa réalité et il avait fui toute confrontation à la terre et à autrui. Il s’était réfugié dans ses pensées, tout entier dans sa tête, tel un être abstrait, vivant parallèle à lui-même. Il avait fini par perdre le fil et s’était aventuré là où les angoisses étaient sans limite, ce monde où toute chose semble reliée à une même toile et où le moindre doute entraine tout. Il s’était alors jeté à corps perdu dans une quête vaine, traquant laborieusement l’inspiration comme on cherche ses clefs ou un trésor perdu. Tétanisé et épuisé, il avait basculé dans la spirale de l’angoisse, cette centrifugeuse invisible qui pulvérise le moindre repère jusqu’à remettre en question sa propre identité. Chacun de ses réveils était pareil à une mort dont il aurait réchappé sur le fil, à bout de souffle, pétrifié par le mirage glaçant de sa vie éparpillée en morceaux. Il était devenu une mécanique sans âme, un point dans l’abîme. Il n’existait plus.
***
Un terrible gong le ramena à son corps. Les énormes cloches en bronze sonnaient vingt-quatre heures. La vibration le parcourut de la tête aux pieds. C’était puissant, impressionnant. Quand cela s’arrêta, Arthur se sentit changé comme si les ondes avaient recomposé les cellules de son être, comme s’il avait été frappé d’une synchronicité. L’infime décalage qui dissociait son être depuis plusieurs mois semblait s’être dissipé par une soudaine magie. En haut du clocher, Arthur avait retrouvé sa tonalité, la possibilité d’avancer en lui-même.
C’est alors qu’il aperçut dans un coin abrité de la plateforme, à l’ombre d’un pilier, un secrétaire Empire. Le petit meuble avait subi les assauts du vent et les variations de température mais il le reconnut immédiatement. Le souvenir remontait à son enfance, ce secrétaire était le bureau secret de son oncle. Il se rappelait parfaitement l’avoir longuement observé, courbé sur sa chaise et absorbé dans son travail. A chaque pause, il le refermait soigneusement à clef jusqu’à sa prochaine séance d’écriture. Il n’en avait pas fallu plus à l’enfant qu’était Arthur pour marquer son imaginaire d’un parfum de mystère. Sa curiosité n’avait eu pour réponse qu’une seule promesse faite par son oncle : « Un jour, je t’expliquerai ». Puis cette promesse s’était peu à peu endormie, Arthur et son oncle s’étaient perdus de vue et les années avaient enfoui ce souvenir.
Dans un sursaut de pensée, Arthur sortit de sa poche le trousseau donné par le notaire et constata ce qu’il avait pressenti : la clef du secrétaire était bien là. La joie et l’excitation laissèrent rapidement place à une grande émotion. Son oncle avait finalement tenu parole. La parenthèse se refermait, l’histoire en suspens depuis plus de vingt ans reprenait son cours. Les yeux embrumés de larmes, Arthur introduisit la petite clef dans la serrure du secrétaire Empire et la tourna. Il suffit d’un seul tour pour libérer l’abattant qu’il accompagna de sa main. A l’intérieur, un épais manuscrit avait été laissé en évidence, il était intitulé « Voyages intérieurs ». Posée dessus, une lettre signée de son oncle :
Cher Arthur,
Je suis heureux de te transmettre mon travail, il s’agit de la matière que j’ai récoltée au gré de mes pérégrinations et des réflexions que j’ai nourries tout au long de ma vie. Tu en feras ce que bon te semblera, j’ai confiance en toi. Outre « Voyages intérieurs » et les diverses notes et documents que tu trouveras dans ce secrétaire, je voulais te laisser quelques conseils pour cheminer dans la vie. Libre à toi de t’en inspirer.
Ne sois pas de ton temps
Explore tes sens, affûte ta perception
Préfère l’être à l’avoir
Provoque le rire, accueille les larmes
Cherche à comprendre
La vie est une quête
Chaotique et infinie
Il n’y a pas de victoire
Aucun achèvement
Un sourire se dessina sur le visage d’Arthur, il n’était plus seul. Au plus profond de lui, il sentait une force renaitre. Bientôt, il retrouverait le courage de voyager dans les limbes de ses souvenirs rêvés.
10 décembre 2017